jeudi 3 juin 2010

Guewen Raphin #2

Et s'y joint la suite, car elle ne pouvait vivre avant... et pourtant ?


III. Les folles courses du temps

Bouleversent mon cœur bringuebalant


23 janvier 2001,

Je ne me rappelle plus très bien de cette soirée, mais je me souviens que j’étais défoncé. « Est-ce dangereux ? » demanderez-vous si vous êtes sceptique. « C’est dangereux », direz-vous si vous êtes français.

Mais la distinction n’est pas là. Le danger n’importe pas ; c’est le plaisir qui existe. Alors, vous devriez demander : « Est-ce bien ? ». Mais vous ne le faites pas.

La peur vous ruine et vous ausculte ; vous vous figez pour gagner du temps – qui est, rappelons-le à juste titre, de l’argent. C’est dur… alors vous trouvez votre plaisir là où vous le pouvez. Dans la consommation, dans l’achat de bidules inutiles, ou de machins pas chers. D’autres boivent ; d’autres baisent ; d’autres boitent.


26 janvier 2001, oh le beau temps

J’ai vu Léa aujourd’hui.


« Je ne peux pas tout pardonner.

- Moi non plus.

- Alors on se quitte.

- D’accord. »


Je me souviens surtout de ça, en fait. « D’accord ». Comme une façon de répondre à ma provocation : « toi tu plaisantes, mais moi pas ». « Adieu », en quelque sorte.

Elle m’aura quand même fait mal au cœur, avec tout ça. Je suis déçu, mais pas désabusé.

Je cherche l’âme sœur que nous avons tous, mais elle me coule entre les doigts. Je vois passer tant de filles, partout. Mais aucune ne me fait vibrer. Même pas un tremblement. Pas un souffle. C’est désespérant. Je commencerais presque à réfuter mon aimabilité. La vie est triste, mais c’est la vie, hein. Et puis pas de quartiers pour les grisés. Pleurons chaudement, pleurons encore.


Il ne pleurait pas beaucoup, mais le soir de sa rupture avec Léa, il est allé à l’encontre de sa nature. C’était triste, mais beau en même temps… j’ai longtemps pensé qu’il n’avait pas de cœur, ou du moins qu’il était insensible à toute douleur. Mais ça le touchait vraiment.


« Tu n’y crois pas ? Mais pourquoi, alors ?

- Parce que toute personne a besoin d’être aimée et d’aimer.

- … alors c’est juste un passe-temps ? Un réconfort personnel ?

- Pas du tout : je suis avec cette fille comme je suis avec moi-même. Je ne lui mens pas, et elle le sait. Elle sait aussi que je l’aime.

- Ca ne suffit pas. Aimer, ça se fait de toutes ses forces. C’est bien la seule chose que nous ayons de bon, Guewen !

- Hé, tu me ferais presque rire ! »


C’est vrai qu’il ne croyait pas en l’amour. Il ne croyait pas en grand-chose, à vrai dire. Il semblait fade à beaucoup de gens. Fade, et froid. Comme détaché de tout ce qui compte vraiment pour nous. Je ne soutiens pas l’idée que Guewen était un sage, puisqu’il ne l’était clairement pas. Certaines de ses convictions me faisaient vomir, et son comportement n’était pas toujours calqué sur celui d’un homme bon. Il avait ses défauts. Moi, ce sont surtout ses idées qui m’ont retenu au début. Mais au bout d’un moment, je pensais me lasser déjà…


IV. Les anges sont fidèles

C’est dingue les goudrons qu’on avale en fumant un pétard. Mais même le plus accro des accros s’en fout. Je n’ai jamais compris ce que tous ces gens trouvent de formidable à ce truc. La défonce ? C’est vite lassant. La réflexion ?

La réflexion. « Think different ». Belles théories, grands mots, Bob Marley qui l’annonce, et nous voilà tous partis planter. Il y a deux façons de voir les choses, et à mon avis, il est préférable que je vous expose chacune de ces hypothèses.

Certains penseront que la beuh est un véritable fléau. Que la drogue tue, et que l’alcool n’en est pas une. Nous imaginerons ces toxicos, à défaut de les voir. Puis, nous en verrons, et nous seront confortés dans notre choix. Que ces gens ont l’air triste ! Mon dieu.

Et puis d’autres se diront que le cannabis a toujours fait partie de l’histoire. Depuis des milliers d’années, il a toujours offert une échappatoire à ceux qui rêvent d’un monde différent. Ceux qui s’y ennuient, ou ceux qui n’y trouvent pas leur place.

En connaissant Guewen, je suis passé d’un statut à un autre.


14 août 2004, quand l’altérité vous détruit, pensez « altérité »

L’Homme m’a longtemps déçu. C’est très misanthrope, très égocentré, mais je tiens à préciser que je m’inclus dans ce groupe animal.

C’est dommage de voir à quel point ces bras mécaniques, que nous avons mis des centaines d’années à mettre au point, ne servent pas notre élévation spirituelle.

Loin de penser à Dieu, ouh, très loin ! les questions de religion ne m’intéressent pas. Et puis je n’ai pas envie de rire pour l’instant.

Les Platon, les Lucrèce ou les Aristote ont notre âge. Ils nous précèdent de deux mille ans, et ils sont pourtant aussi évolués que nous. Regardez-les, ils réfléchissent déjà à des thèses que nous exploiterons encore maintenant. C’est putain de fou !

Pardon pour mon emportement démesuré, mais la perspective de les voir un jour nous apprendre le sens de la vie me fait sourire ! Plus important que leurs théories, c’est le fait que nous n’ayons pas réfléchi sur nous-mêmes qui me sidère. Qui me donne la rage. C’est fou.

Nous avons passé du temps à construire notre confort et notre environnement, mais les sciences humaines sont une discipline bien trop récente. C’était un peu « se détourner de sa misère » comme dirait l’autre. Bien dommage.

Je ne crois pas en un Homme bon, non. Je crois en un Homme qui se veut perfectible. Qui a la volonté de devenir « meilleur ». Vos lois sont fausses, mais il faut des lois. Comme il faut un cadre. Parce que certains ne suivent pas des idéaux de noblesse. Et ces gens ne sont pas à maudire ! Les maux se produisent parce que les mots changent pour chacun d’entre nous. Tout le monde voit la vie à sa manière. Le mal et le bien ne sont pas des notions objectives.

Alors voilà, j’aurai beau appeler à l’aide, jamais personne ne viendra. Il y aura dans l’air comme une torpeur, comme un vague murmure. Et on dira : « C’est intéressant ».

Et peut-être aura-t-on raison.


« Le pardon angélique se prend, mais ne se donne pas à ceux qui pensent être rois de briques et d’illusions.

Certains anges s’étreignent, anxieux de citer les visés, mais les anges sont fidèles de cœur à leur aimé »


J’y aurai vu du sens à ce poème, si je l’avais compris plus tôt. Logique, mais tellement logique. Il ne suffisait pas de chercher, il fallait aussi connaître le personnage. Il allait de pair avec ce carnet, puisque c’était sa tête même qui en était l’encrier. C’était ses idées, son monde, et tout ça il le voyait grâce à ses drogues. Les artistes sont comme ça… ils nous séduisent parce qu’ils nous parlent d’un « ailleurs », d’un autre part. De la possibilité de s’arracher pour quelques instants à une existence trop morne. Nous avons tous vécus là-dedans, comme bercés par un trop plein d’imagination. Du genre fébrile.

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