mardi 6 août 2013

TUAIS-LE

La suite, sur : laboitedupaulquidort.blogspot.fr

Vous êtes bienvenus, mais ramenez des chips.

A(cr)nonyme

dimanche 13 mai 2012

Lilith et le Soleil


            Il faisait nuit. Le train roulait vite, et toutes lumières éteintes. Seules quelques lueurs palpitaient furtivement derrière des rideaux tirés. La scène avait des allures étranges, car le bolide paraissait être un serpent de mer se glissant dans les aspérités du fond des eaux les plus noires. Il y avait quelque chose de menaçant dans les deux phares de la machine ; rouges, deux yeux perçants au milieu de la nuit.

            Il était 21h lorsque Philippe Quahan sortit de sa chambre pour tenter d’acheter un sandwich au wagon-restaurant.

« S’ils ne sont pas trop chers. »

            _ Car Philippe Quahan est économe : il sait où trouver les sous. Chez lui, pas de préjugés, tant que le porte-monnaie parle et que l’argent débite. Il connaît les recoins sombres de la manipulation humaine, et ne se prive pas d’utiliser ce qu’il connaît.

           
            A vrai dire, le ciel est assez beau. Les étoiles pétillent gentiment, ne se privent pas de briller, à l’abri des agressives lumières qu’assène l’Homme à longueur de journée ; de nuit ; à longueur de temps – trop souvent, peut-être.

            Célia Sagroff ne s’en doute pas, ne se pose pas la question. Parce que cela ne sert à rien. Et parce que ce qui ne sert à rien est inutile, par définition. Célia est dessinatrice, mais ne sait plus où trouver l’inspiration. Alors elle s’en prend à son Dieu, son Ange Gardien, renie ce qu’elle a fait, erre.

« Et les mains dans les poches, siouplé. »

            _ Célia Sagroff est sereine ; mais elle oublie d’agir. Et dans ses pensées perdues, elle ne crée pas du rien. Elle prépare, elle agence, son Dieu seul sait quoi ; quelque chose qui la dépasse, bizarrement. Elle se laisse porter, peut-être trop.

           
            Il y a trop de peut-être dans ce récit. C’est probablement pourquoi le train roule à si grande vitesse.

            Sur les paysages de roches se dessinent les contours clairs des reflets de la lune ; et le train, la Lilith, vole paisiblement à la rencontre de son destin. Toujours plus sombre, plus menaçant, plus l’heure le suit.

           
            « Bonsoir. Vous avez des chips ? »

Philippe Quahan ne se perd pas, ne tourne pas en rond. Ce n’est pas dans sa nature. Il aime bien provoquer, s’énerver, juste pour le plaisir. Rejeter la faute sur les autres, ne pas s’alarmer. Etre économe, quoi.

            « Oui monsieur, juste derrière moi. Nous avons aussi des sandwichs, des…
            - Vous dites sandwichs, je dis 2€50 mon ami ! »

            Un temps de pause secoue la conversation ; Philippe Quahan tique de l’œil gauche, sourit brièvement. En face, le jeune homme, embauché depuis deux mois sur la compagnie de train, met un moment à comprendre le tempérament du cinquantenaire qu’il a en face de lui. Puis il se reprend, et, feignant la remarque, juxtapose :

            « 5€, monsieur. Jambon beurre, poulet crudités, crabe et saumon. »

            Ce à quoi Philippe Quahan rétorque, tonitruant – évidemment, trop :

            « Je vais vous prendre des chips ! »

            Puis il tourne les talons et disparaît dans un vacarme qui informe tout le monde que les prix sont trop chers et imposés ; ce que tout le monde sait, évidemment, déjà. Et Philippe Quahan trouve du bonheur à imposer à tout le monde l’idée que lui, est cher.

            C’était sans compter sur Célia Sagroff, qui, sortant de sa cabine, lui assène un énorme coup de porte au visage, qui a pour effet de le faire tomber à la renverse et de rendre hilare la majorité des gens attablés au wagon-restaurant, alertés par la lourde chute du corps usé.

            Célia Sagroff d’abord, rit ; puis Philippe Quahan, se relevant, peste et injurie ; puis toutes les lumières s’éteignent subitement, le train entre dans un tunnel, et dans l’obscurité qui s’ensuit, dans le bruit perpétuel du vrombissement causé à la fois par les machines et par la vitesse ; plusieurs hurlements déchirent l’air et la lumière se rallume.

            Si Philippe Quahan et Célia Sagroff sont encore debout, le reste du wagon ne peut pas en dire autant. Les corps de tous les présents gisent, horriblement mutilés, sur le sol. Et si Célia hurle, Philippe ne se préoccupe que de son nez. Puis il regarde le sang sur sa main, relève la tête, et aperçoit le carnage. Il vomit, allègrement, puis observe Célia.

            Evidemment, il sait ce qui s’est passé. C’est que le Dieu de l’économie, son Dieu chéri ; lui qu’il ne le manifeste que rarement, que lorsqu’il est extrêmement énervé.
           
            Il empoigne Célia Sagroff, qui se débat, et hurle de nouveau. Instinctivement, elle connaît son but. Et même si elle ne l’apprendra que beaucoup plus tard, elle convoque ici son Dieu, celui de la créativité. De cette passe, elle tirera une bande dessinée qui fera sa renommée.

            Philippe regarde la jeune fille, et…

jeudi 26 avril 2012

Il rassembla les morceaux épars...

... et de là jaillit la lumière.

Limpide forêt, soleil trépidant,
Ses rayons acérés perceraient le levant.
Même à l'ouest on susurre des mots doux,
Et à l'est, on revit pour deux sous.

Quelle est la nature, quel est le lien,
Qui nous unit, moi et les miens ?

Voir à plus tard, remettre à demain, j'ai
Trop joué aux dangereux jeux, et
C'est à se perdre.

dimanche 22 avril 2012

Je ne suis pas si loin de chez moi

Il y a, dans mon souvenir, l'idée qu'à un moment, tout s'est arrêté. Comme si je m'étais mis à penser différemment, comme si j'avais adopté une logique différente pour devenir plus fort.

Mais je ne savais pas qu'il était impossible d'être plus fort ; que tout se résumait, au final, à modifier une structure pour obtenir autre chose. Parallèlement, j'estimais qu'il existait une image concrète de la masse pensante, une manière de la métaphoriser au travers de quelques personnes. Mais personne n'est, justement, cette masse pensante. Nous avons créé, ensemble, le Collectif. Voilà qu'il devient un monstre qui nous échappe, si personne n'est là pour le contrôler. L'"ensemble", c'est le tout et le rien à la fois mêlé, puisque c'est le résultat d'une union qui n'appartient à personne. Personne, tout le monde... si on veut connaître réellement la société, il faut alors s'attaquer à chacun de ses composants pensants, et finalement, déjouer les liens entre personnes qui amène à l'Influence. Elle qui régit les moeurs et détermine les faits.

Est-ce un but ? Un besoin ? Ce genre de questionnements est-il seulement nécessaire ? Enfin, connaître la société se résumera à la connaître pendant un temps ; or, toujours changeante, elle n'est pas assimilable au continu, elle n'est pas appréhendable au sens intellectuel du terme. Seulement, en ressentant, en donnant au corps la capacité de concentration nécessaire à une assimilation parfaite des faits que rencontre Personne tout au long de sa journée, voilà qu'une image plus nette se forme ; sans qu'elle soit jamais précisément nette et explicable.

Voilà le pouvoir de l'intuitif, de l'instinctif, celui-là même qu'on rabroue aujourd'hui, qu'on enterre, que chacun oublie au bout d'un temps, trop tourné vers des considérations intellectuelles, quotidiennes, financières, etc. Le système nous inculque les notions de stress, de temps, de respect des délais, de ponctualité, d'effort, d'efficacité, de mouvement, d'organisation, de chronométrie, finalement ; et si l'ordre et la discipline permettent contrôle et concentration, peut-on réellement définir le stress comme un marqueur de bien-être ? Lui qui favorise le vieillissement, développe les maladies de l'esprit, bref ; amène à fuir le réel.

Qui, pourtant, voudrait fuir cette fameuse réalité ? Pourquoi ? Est-ce parce qu'elle ne correspond pas à nos attentes, parce que nous estimons ne pas correspondre aux siennes, ou tout simplement le résultat d'un conflit gratuit, ou aux origines somatiques ? Comment en arriver, pensera-t-on, à s'isoler du monde extérieur, non dans une optique positive, mais plutôt face à des contraintes, des peurs fictives, des dispositions ?

Et puis, quel intérêt ?

vendredi 20 avril 2012

"La tare du taré, c'est d'être taré. Celle du sain, c'est de choper le cancer."

" Qu'est-ce que je fais là ?...


Ma tête... j'ai pris un coup ?

...

Les murs sont blancs. Il y a de la lumière. Un carrelage vert pâle. Qu'est-ce que je foutais avant d'arriver ici ? Merde... je me souviens plus.

...

Bon, c'est un lit, et sur ce lit c'est moi. Ce sont mes habits (j'espère qu'ils m'ont pas touché) et ce sont mes affaires ; mon portable et ma veste. Où sont mes pompes ? Ah... les voilà. Maintenant, sortir. Faut pas qu'ils me pistent, là. Putain, mais c'est un complot, ou quoi ?

...

Ok, on y va. J'ouvre d'abord doucement (n'ouvre pas), bon, j'ouvre tout doucement, je glisse la tête, et s'il y a personne je me barre en courant. On m'aura pas avec le jeu des souvenirs ou de la mémoire paumée, "ah oui monsieur, vous êtes ici car on vous a trouvé inanimé, ne vous inquiétez pas tout va bien", non non. On me la fera pas. Allez."




...
" Quentin ?
- Hm ?
- Y a l'autre taré qui essaie encore de filer.
- Laisse, il sortira pas tout est verrouillé. On le retrouvera épuisé demain matin, et on le remettra dans son lit, comme chaque jour. Il reste des nuggets ? "

mercredi 11 avril 2012

De maintenant à demain, il n'y a qu'un pas ; reste à connaître la taille de l'enjambée.

Ainsi me voilà devant le Présent, enfin sourd aux appels de ce que j'étais, et de ce que je serai. Sur un plan plus ou moins étalé dans le temps, mon imagination me présente une image de moi qui configure mes rapports aux autres : suis-je en accord avec mes actes ? Avec ma façon d'agir ? Dois-je faire voeu de piété, ou chercher plus d'expériences ? Autrement dit, suis-je bien dans mes pompes ?

Le mal du XXIème siècle sera celui de l'esprit. Alors qu'auparavant le corps souffrait de trop de négligences, nous sommes aujourd'hui pris dans la spirale de la complexité. De mieux en mieux organisée pour servir les intérêts du collectif, voilà que la société oblige l'individu à ne plus se tourner les pouces lorsqu'il s'agit, tout simplement, de rendre visite à quelqu'un. L'honnêteté, cette notion toute neuve - deux, trois siècles, dans son étymologie moderne -, commence sérieusement à nous casser les noix.

Nous sommes forcés, au jour le jour, d'adopter ce profil ; ce masque, cette "idée de moi", cette sphère imaginaire qui nous situe dans le Présent. Bien, c'est un bon point, alors ; car enfin, c'est bien le Présent qui nous rend heureux. Oui, mais, quand la situation tourne à l'inverse, quand l'imaginaire ne peut plus être sollicité librement, parce que l'individu se voit contraint de restreindre son image de lui-même à ce que la société lui autorise (ou à ce qu'il estime que la société lui autorise) ? Comme la famille, la société se révèle une source d'apprentissage, mais aussi un carcan. L'Enfer, c'est les Autres...
Cette tension rejaillit sur chacun d'entre nous, mais particulièrement sur les personnes sensibles, ou faible d'esprit ; ceux qui ont plus de mal à se défendre, ou qui perçoive plus les petits coups quotidiens. A terme, et sans mise en place d'un système de défense ou d'attaque, l'individu se retrouve défait de lui-même, porté hors de ses moeurs, de sa vision du monde, de ses buts premiers, par les autres.

Pourquoi pensez-vous que l'adolescence se révèle une période si difficile ? A cause de la puberté ? Et si elle n'était qu'une réaction à quelque chose ?

Notamment un changement dû à la façon dont l'individu se perçoit, et fonction du regard d'autrui. Car enfin, le voilà influencé, invité à rejoindre un groupe dont il peut être éloigné. Adolescent, en opposition, ou par appartenance, c'est avant tout la quête de soi qui est en jeu : un soi à fabriquer pour qu'une fois adulte, aspirations et envies soient en concordance avec la majorité. Ne pas heurter, ne pas choquer ; tout le principe de la communication se projette durant cette période. Certains, évidemment, y parviennent sans soucis, alors que d'autres, par choix ou par incapacité à comprendre comment fonctionne cette masse pensante, ne s'y rallient pas.

Comprenez qu'abandonner sa part d'enfance est une faute importante. Quelle que soit la forme qu'a pu prendre l'éducation, l'apprentissage seul est une valeur de base dans le taux de motivation et dans l'envie, dans sa forme générale. Apprendre est permanent, constant - tout comme oublier. C'est ce désir sans nom qui nous projette dans le futur ; lui qui nous donne la joie, chaque jour, de se lever et d'avancer. Sans l'envie de l'apprentissage, voilà qu'il n'y a plus rien à rêver et à vouloir. Apprendre d'une expérience, apprendre d'un savoir ou de quelqu'un, apprendre pour transmettre et apprendre pour soi, en dernier lieu.

Finalement, le Futur n'est que le Présent dans un autre plan : plus tard, j'aurai appris et oublié, mais je n'en saurai pas plus que maintenant. Ma capacité cérébrale n'aura pas augmentée ; j'aurai simplement suivi le conseil d'Anaxagore de Clazomènes : rien ne naît ni ne périt, mais des choses déjà existantes se combinent, puis se séparent de nouveau - honteusement, d'ailleurs, piqué, plus tard par Lavoisier ; je serai donc différent, tout simplement, possesseur de nouveaux savoirs, de nouveaux us, peut-être, influencé tout au long de ma vie par le regard et la force d'Autrui.

Et si je me laisse influencer au point de m'oublier, je me perds moi-même. Alors, je peux passer mon temps à me chercher, mais il n'y aura qu'une voie pour retrouver celui que j'étais : celle du corps. En appréhendant les sensations, les sentiments, non pas en les expliquant mais bien en se donnant les moyens de ressentir les choses, il est possible de retrouver des bribes de soi. De se situer à nouveau dans un imaginaire qui correspond vraiment à soi, en bref.

Saint-Exupéry pense que le futur n'est pas à prévoir, mais à permettre ; qu'il n'est qu'un agencement des frasques du présent. Mais à sa thèse, j'oppose le fait que ces frasques sont déjà une construction. Or, il faudrait donc perpétuellement construire, mais qui plus est construire à partir des mêmes choses. L'Autre intervient donc forcément dans le concept ; ou tout au moins une rumination des choses que cet Autre procure. J'aurais, ainsi, d'autres fragments à ajouter continuellement à cette construction de moi, de ce qui m'attend, à partir de ce que j'étais, et de ce que je croise. Le futur n'est donc pas à permettre, mais à vouloir. Il n'y a rien à permettre, ni rien qui soit envisageable, dès lors que cette chose n'est pas établie. Rien ne prouve qu'elle puisse se réaliser. Il s'agit donc de vouloir et de persister tout entier dans cette envie. L'imaginaire, finalement, s'agencera autour non pas du Présent, mais du Futur à mettre en place.

Et personne n'est plus dans l'instant que quelqu'un qui s'imagine demain.

mardi 10 avril 2012

Le Présent, cet artefact si difficile à quéfabri, t'as uv

Il y a eu tellement d'évènements étranges ces derniers temps que j'ai même renoncé à les dénombrer.

Pendant un temps, mon temps s'est résumé à écouter et à penser - tiens, on me l'a trop dit, que je pensais trop. Pendant ce temps, j'ai essayé de trouver quelques réponses à mes questions vaines, de celles que nous traînons tous. Et même si j'ai trouvé beaucoup d'impasses, je suis parvenu à quelques conclusions.

Cette quête du "quelque chose" n'existe pas ; plus que le tonneau percé et les danaïdes, voilà que je passe mes jours à courir à la poursuite du présent. Je m'explique ; il arrive que, par manque de concentration, par manque de motivation, ou à cause de contrariétés, l'instant devienne plus fade. Reconstituer le présent devient alors une recherche effrénée et sinueuse entre les mailles du passé et du futur ; entre les souvenirs et les appréhensions, les envies et les capacités.

Bref, je vous refais pas le topo, vous connaissez le truc aussi bien que moi. Nous voilà destinés à ne pas savourer pleinement la teneur des évènements parce que nous pouvons, toujours, pour une raison ou une autre, être tournés vers Ailleurs. Lui, qui nous suit tout le temps, qui nous le bouffe - le temps ; enfin, qui fout vraiment la demer', t'as vu.

Il y a plusieurs trucs pour se focaliser sur l'instant, répartis en méthodes instinctives et cognitives. Ce qui est instinctif éveille les sens ; plaisir auditif, visuel, ou désagrément aussi. Le cognitif réside dans la concentration, voire l'abnégation au service d'un but - ce qui est le cas de l'instinctif aussi, dans une mesure plus inconsciente. Stimuler la concentration et la conscience de soi amène toujours à ne se préoccuper que de l'essentiel, et donne la possibilité de maîtriser les idées et leur flux.

Qui a déjà réussi à arrêter une musique qu'il avait en boucle dans la tête ?

Arrive donc l'apologie de la conscience de soi ; oui, il faut "savoir se voir", se situer dans le réel, connaître ses défauts et qualités... bla bla bla. N'y a-t-il pourtant pas autant d'Hommes que de personnalités ? Dites-moi qui peut juger son semblable selon une norme considérée comme juste ? Alors que nos sociétés s'accordent sur une liste de critères pour situer l'individu, rien n'indique que ces choix soient fondés et porteurs de plus de bien-être - c'est bien le propre de l'évolution, non ?

Rien ne permet à une personne de se juger. C'est là tout le jeu : chacun regarde les autres, mais personne ne peut se regarder soi. Voilà une règle interdite, celle qui amène à cette fameuse conscience de soi, en réalité faussée - puisque située sur une norme adoptée par consensus ; éducation, habitudes, résultantes de traits de caractères, etc.. Bref, il ne s'agit ici que de concentration. Evidemment, il est possible de la teinter de lyrisme ou d'intuitif, par le biais de l'imagination.

Agir prend alors deux formes : l'une au service de l'action pure ; l'autre au service de l'action et du plaisir. Imaginons par exemple un joggeur. Dans la première situation, il se base sur un temps et cherche à l'égaler, ou le dépasser. Peu importe. Il court pour une finalité. Dans un second cas où le joggeur court en écoutant de la musique, par exemple pour se défouler, le plaisir est prolongé, voire indépendant du résultat final. Ces deux aspects traduisent deux notions de la concentration : l'une vouée à l'action (cognitive, donc), et l'autre vouée à "savourer", à appréhender l'action : l'instinctive.

Se situer dans le présent nécessite donc de rêver, et non pas de réussir à se voir le plus justement possible. Etre efficace, c'est parvenir à se projeter non pas comme soi, mais comme une idée de soi, dans toutes les situations : comme un personnage qui adopterait plusieurs formes ; comme un acteur, finalement. Ce masque posé - nous le portons tous - il est possible d'en accentuer les traits, de se concentrer pour concrétiser l'environnement, se situer, donc, se voir.

La "concentration cognitive", mêlée à ce plan imaginaire, dévoile le Présent.

Il apparaît nécessaire de permettre au corps d'assurer au maximum ces tâches, en ayant un rythme de vie sain, équilibré, des nuits similaires, et bien sûr en mangeant cinq fruits et légumes par jour, et en bougeant plus, plus, plus, plus, plus, plus, plus, ahem.

mardi 10 janvier 2012

Dialogue emprunté

"... !"

"Oui, dis-le. Tu le penses, alors dis-le. ... pourquoi tu ne le dis pas ? Pourquoi tu le gardes pour toi ?
- Je devrais le dire ? J'avoue que j'en ai envie ; je te l'avoue à toi, mais je peux l'avouer aux autres ?
- Si tu le penses, bien sûr que oui. Tu devrais m'écouter. Tu devrais parler. Tu devrais leur dire. C'est drôle / utile / sympa (tu peux rayer les mentions inutiles, si tu trouves qu'il y en a).
-  ...
- Quoi ?
- ... non, je ne trouve ça ni drôle, ni utile, ni sympa, tu sais. Je trouve ça présomptueux, insouciant, distant, fade. Je ne le dirai pas.
- Ah ! Encore tes maux de tête, hein ! Encore tes subtiles questions, tes réflexions intenses ; celles que tu juges toi-même d'un trop bas niveau. En fait, tu passes ton temps à tourner en rond, je me trompe ?
- J'ai vraiment plus envie de le dire, maintenant."

"... ?"

"Et là ? Tu vas savoir ne pas répondre ? Détourner la question ? Moi, elle me vient droit dans le coeur, celle-là : j'ai les mots, laisse-moi parler !
- Te laisser parler, toi ? Ah ! pour que tu débites encore tes conneries nées sur le tas, celles qui viennent tout droit de ton coeur irrémédiablement borné, têtu, absurde ? Non, tu ne diras rien. Laisse-moi faire.
- Toi ? Pour que tu poursuives toujours sur la même lancée, à tenter de reprendre en choeur les mots qui viennent du mien ? Tsss... tu veux parler ? Hé hé, vas-y : parle. Fais-moi rire.
- ... pourquoi tu dis toujours ça ? Pourquoi c'est toujours si rauque, ta voix ? Et pourquoi tu passes ton temps à me juger comme un attardé ?
- Mon ami, il faut que je te le dise : tu es attardé. Regarde simplement où toutes ces discussions nous mènent. A rien. A des cercles autour d'un plot qui lui, attend vainement de te comprendre. Moi je le comprends, tu sais. Je sais exactement ce dont il a besoin, je connais les mots qui le feront bouger, et toi avec. Je connais les moindres ramifications de son coeur ; la couleur précise qu'il aime voir dans le ciel ; l'humour qui lui vrille les amygdales et lui chatouille les abdominaux. Le ventre, le coeur, le sentiment, ça me connait tu sais. Toi, tu ne connais rien.
- C'est faux ! C'est totalement faux, tu le sais, et tu cherches encore à me descendre ! Moi, je reconnais les ondes qu'émet son cerveau ; je peux presque voir sa vie et ses buts, j'entrevois ce qu'il était, ce plot ; et je sais ce dont son existence a besoin. Je sais ce qu'il attend de moi, je peux t'expliquer en long et en large ce qui l'a amené à avoir le coeur mauve, rose, gris ou vert.
- Et tu le sais grâce à moi, parce que c'est toujours le coeur qui parle, non ?"

"Non. Parfois le coeur parle, mais la tête fait le contraire, tu comprends ? C'est comme ça chez nous, c'est comme ça chez eux. Et parfois, les têtes font tourner les coeurs pour protéger les leurs. Parfois, je me dérobe parce que tu es trop imposant, mais crois-tu vraiment que je vais te laisser les rênes de tout ça ? A virevolter entre amour et grossièreté, te laisser te réjouir à chaque flèche perdue ? Tu rêves. Ah... mais oui, rêver c'est ton fort, j'oubliais.
- Tu es un goujat.
- Tu es une peste.
- Tu es un calculateur.
- Toi tu n'es pas en reste.
- Je calcule pour aimer.
- Tu calcules pour voler.
- Tu calcules pour gagner.
- Non, je calcule pour toi."

"..."

"Ah, tiens, c'est drôle ça.
- Euh... oui, c'est vrai. Que faut-il faire ?
- Ben ; rire, non ?
- Rire ? Ca ne serait pas trop ? Qu'en penseront-ils ?
- Ils n'en penseront rien, sinon que tu es beau quand tu ris.
- ... merci.
- Je t'en prie. Ris."

"Tu sais, je me demande souvent ce qui nous a amené à nous retrouver, toi et moi. Etait-ce une grosse blague, là-haut, ou une erreur de notre part ? ... je veux dire... tu as vraiment choisi de venir ici volontairement ?
- Hm ? Je n'en sais rien, comment voudrais-tu que je m'en rappelle ? C'était il y a trop longtemps. Toi-même, tu t'en souviens ?
- Un peu, oui...
- Quoi ? Raconte !
- Eh... il n'y a pas grand chose de précis, en fait. Je me souviens de la chaleur, du rouge, de la pluie et du froid, ensuite. Je me souviens d'un pétrissage lent et douloureux ; d'avoir tourné à deux ou trois carrefours, et d'être arrivé ici. J'avais encore l'odeur d'une femme et les ventricules frêles. Je ne me sentais pas bien. Je me sentais seul... tellement seul. Je n'avais personne pour parler ; personne à aider ; personne à porter ; personne pour me porter.
- Alors je suppose que je suis arrivé ?
- Raaah t'es chiant ! Tu prends toujours les devants !
- Hé hé... en même temps, c'était assez facile à anticiper, sur ce coup-là.
- Hmm... j'avoue que oui. Tu vois, mon défaut c'est d'être trop limpide, trop niais, peut-être, trop direct. Je ne cherche pas à mentir. Ca me blesse que tu dises que je calcule. Je veux juste ton bien et celui des autres.
- Je sais... je sais que tu ne calcules pas. Je sais que tu ne cherches qu'à parler pour faire le bien, pour être heureux. Je sais qu'il n'y a que du beau, en toi. Mais moi... je suis triste de ne pas réussir à expliquer si bien tes mots. Je suis en colère parfois, et ça m'énerve que tu m'empêches de le dire, haut et fort. Je ne veux pas parler, si ce n'est que pour porter tes mots. J'ai mes revendications, moi aussi.
- ... tu dis vrai, je le sens. Oui... mais, si tu avais la colère, tu ferais comme eux : tu calculerais. Et tu calcules déjà bien assez.
- Je calcule, mais à postériori : ce qui a été, ce qui n'a pas été. Et si je le fais, c'est uniquement pour ne pas être en colère.
- C'est donc ça, ce signal qui me parasite à chaque fois ? Celui qui me fait me sentir si lourd, en me remplissant d'informations ?
- Comment ?"





"Alors, je crois qu'il va falloir accepter ça.
- Je le crois aussi.
- ... tu es prêt ?
- Oui.
- A trois. Un... deux...
- JE TE DETESTE !!
- JE TE HAIS !!"

...

" ... c'est bizarre. Tu le sens ?
- Oui... on dirait que... que ça va mieux.
- ... je suis désolé de m'être emporté.
- ... moi aussi, je m'en veux.
- Non, il ne faut pas. Tu avais raison : je pense trop.
- Et toi, tu avais raison : j'aime trop.
- Ha ha ! Je viens de penser à un truc - oui, encore : à nous deux, on pourrait faire deux choses vachement marrantes.
- Lesquelles ?
- Eh bien : "penser à trop aimer", ou "aimer à trop penser".
- Et si l'on faisait les deux en même temps ?
- ... c'est le coeur qui parle, là. Parfois, tu as des raisons que j'ignore ; mais là, je dois dire que ce n'est pas si bête. Si j'ai bien compris, tu voudrais qu'au lieu de tourner autour de ce plot, nous nous lancions une balle par-dessus ?
- Exactement !
- Magnifique idée !
- Oh, tu es génial quand tu décris parfaitement ce que je ressens !
- Et toi, tu es incroyable quand tu ressens parfaitement ce que je décris ! Va pour ça !
- ...
- Qu'est-ce qu'il y a, encore ?
- ... eh bien... j'aime comment tu penses.
- ... je dois dire, que, tu sais, moi je pense que je t'aime."

dimanche 4 décembre 2011

L'Homme est un loup pour lui-même

Il est 20h32.

La nuit est tombée depuis longtemps, trop longtemps en fait. Les réverbères allumés sont des repères étoilés là où le ciel ne fait qu'éclairer sans trop le vouloir.

Moi, je rêve, je pense aux songes et aux prières ; je me dis que le mysticisme a du bon.

Pourquoi, alors, vouloir détruire sa logique ? Son mode de pensée ? Pourquoi aller jusqu'à nier sa propre force, en croyant au non-dit ?

Je devrais faire simple, oui. Détendre chaque partie de mon corps et accepter d'être entier et plein. Savoir qu'il n'y a rien d'autre, ici, que l'écho des battements de mon coeur. Arrêter de douter de chaque mot, en se demandant s'il a bien le sens qui lui correspond. Arrêter de vouloir piller ma mémoire pour la ramener en devant.

Laissez couler les forces occultes qui traversent l'océan de l'esprit ; remontant le long de la berge, le soir, lorsque nous dormons.

Etre précis dans les formulations, clair dans les symboles, dépourvu non pas de questionnements, mais de volontés introspectives.

Savoir relativiser ; annihiler la perfection, et la volonté de l'atteindre. Définir les mots, les utiliser dans leur sens précis ; accepter de créer et de détruire, laisser tomber la folie au fond des oubliettes ; jouer avec les sens comme on perçoit les odeurs. Se rassurer.

Il y a des puissances qui me dépassent, des puissances qui rongent, rognent, détruisent, pourrissent ; celles qui font que parfois, l'on parvient à dire la Vérité, sans vraiment le vouloir.

Pourquoi avoir peur de ça ?

Parce que c'est le moment, parce qu'il est temps de commencer à connaître la peur, dans ses moindres retranchements, l'accepter et l'aimer, parce qu'elle nous porte et nous aide.

Tu te souviens, que l'ombre et la lumière sont préférables au néant ?

Oui, toi, tu l'avais dit un jour, mais je pense que tu n'as pas compris la portée réelle de ta phrase sur le moment. Et l'autre de rajouter : "comment fait-on, quand on ne pense plus qu'en devançant ?"

Et si je veux aller trop vite, trop loin, trop profond, je ne risque pas de tout voir d'un coup, et d'en mourir ? Je ne risque pas de devenir trop fort, de me détruire ?

La logique est un cadeau ; persévérer est humain ; mais persévérer dans sa logique est une grave erreur.

Ne m'obligez pas à en faire trop, parce que je ne vais pas savoir penser différemment.

Alors, quoi ? Je me demande pourquoi je prends la place du mort, en ce moment ; pourquoi je la vois tous les soirs, alors qu'elle n'a jamais existé. Pourquoi je parle, simplement, pourquoi j'associe, pourquoi je remets en cause.

Je ne sais pas me voir en face.

Je ne crois pas que ce soit possible.

Seulement, lorsque tout ces vérités arrivent d'un coup, le corps n'a d'autre remède que d'intellectualiser ou d'agir. Et si l'action est considérée comme limitée, il n'y a plus que le cerveau qui marche.

Au-delà de ça, c'est le fait de croire qui détruit. Voilà la folie humaine : la capacité à s'aveugler en étant sûr d'un fait.

Peut-on croire en un Dieu, en un autre ? Que fait-on lorsque, à fleur de peau, il n'y a plus que le bruissement des draps et l'idée d'un coeur qui bat ?

Moi qui veut parler promptement et simplement, je suis impuissant face à moi-même.

Aujourd'hui, j'ai senti mon cerveau chauffer tellement qu'il a presque coulé le long de ma narine droite. "Pourquoi, pourquoi, pourquoi ?"

En fait, je me rends compte que je pourrais perdre les pédales, et continuer à parler normalement.

mercredi 16 novembre 2011

A quoi bon un aqua-mots ?

J'ai eu pendant de longs moments l'occasion de pratiquer la philosophie de voiture, d'un parce qu'on avait pas de comptoir ; deux parce qu'il y a des gens qui pratiquent, aujourd'hui, l'idée d'une pensée totalement ouverte.

Dans d'autres circonstances, plus récemment, nous est venue une pensée originale : et si, à l'instar d'une conception de la vie basée sur le temps et la spécialisation de chaque chose, nous envisagions chacune de ces chose comme "un" ; avoir déjà conduit "une" voiture ; avoir déjà mangé "une" pomme.

Je me suis demandé longtemps pourquoi, à un âge qui change selon chacun, l'on finissait par ne plus se voir vraiment ; par disparaître à ses propres yeux, et sembler s'éteindre aux yeux des autres. Et puis j'ai compris : je m'étais fait avoir.

L'illusion est un vice, dans le sens où, si elle n'est pas contrôlée, elle peut conduire à l'auto-destruction de l'esprit, puis du corps. Souhaiter manger des fraises ne doit être qu'une envie passagère ; avoir besoin, spirituellement, de quelque chose en est une autre, car la pensée envisage tout possible comme atteignable.

Or, si je n'ai pas de fraises, je n'en mange pas, point barre.

Alors, pourvu que le monde des idées de Platon ne soit pas un foutoir total ; pourvu qu'il s'agence à l'image des lois physiques et naturelles ; qu'il soit froid dans sa vision, chaud dans le regard. Pourvu que le mensonge ne nous dévore pas, car c'est lui qui nous détruit.

Voilà beaucoup de beaux mots, qu'on dira. Ouaip, c'est vrai que là je talonne à coups de belles phrases.

M'enfin, en disant "m'enfin", j'obtiens ce savoir, ce trait physique, mais aussi abstrait, dans son message sous-entendu - ou tout simplement par la façon de parler qui me classe dans un groupe. M'enfin, en considérant le monde comme un jeu de cartes, une base mémorielle, je regroupe tout le savoir, ce grand Tout, celui qu'on appelle Dieu ; je regroupe tout ça en moi.

Tout est accessible au corps, pourvu qu'il considère justement ses limites ; nous ne pouvons pas encore voler, mais nous pouvons nous employer à le vouloir, pour transmettre inconsciemment et involontairement cette envie à nos enfants. De la même, la pensée peut se construire dans un cadre de possibilités, et s'adonner à chaque "trait d'esprit", "savoir", "illusion" comme elle chercherait à collectionner les cartes de ce jeu.

Ainsi, chaque ensemble qui fait "un" doit être considéré comme emprunté : je l'emprunte parce que je ne l'avais pas à la base ; non, je ne suis pas fumeur : j'emprunte le style d'un fumeur, je me déguise, parce que mon moi intrinsèque ne possédait rien. Mon corps, ma pensée, mes actes, sont autant d'artefacts qui faussent mon jugement, à partir du moment où je les considère acquis. C'est là que Descartes a tort une nouvelle fois, car penser ne me fais pas être ; penser est un procédé emprunté. Être l'est aussi. J'emprunte, donc je suis est une vérité.

Mon collègue de glisser alors la règle qui régit le bonheur, comme ça ; simplement.

Si j'ai un jeu qui contient toutes les cartes, pourquoi n'est-il pas possible d'être un éléphant ou une tortue ? Si j'ai un jeu qui contient toutes les cartes, pourquoi n'est-il pas possible d'être un génie ?

Eh ben, parce que l'assemblage est différent pour chacun. En remontant au point originel, je reviens à ce qui nous lie ; avant même ma naissance, certains assemblages furent privilégiés, et mes gènes uniques me firent, comme vous, comme eux, mais toujours avec une part de déterminé, paradoxalement, pour nous, indéterminé. On ne choisit pas ses parents, on ne choisit pas sa famille, comme chantait un type connu que je connais pas : je fais avec ce que j'ai, mais je fais aussi avec ce que je n'ai pas (choisi) : le corps que je veux, les capacités que je veux, etc.

Il y a deux ans, trois chercheurs ont inventé, dans une logique quantique, un moteur fonctionnant avec seulement deux atomes exposés à la lumière. Rendus extrêmement froids, l'un, chargé en électricité, crée une onde, en se positionnant possiblement à n'importe quel endroit dans le cercle qui le relie à son opposé, qui contrebalance cet effet. L'un est porteur, l'autre est démarreur.

Et si ce que je ne choisis pas, ma part d'inconscience, d'inné, ce que j'ai involontairement emprunté à mes parents, comme ils le firent avant moi ; si je n'ai pas le choix, alors c'est qu'il y a, en moi, des principes automatiques qui me guident. Simplement, la respiration. Plus loin, une certaine philosophie de vie, axée sur des règles intériorisées - donc décryptables.

Cette part d'inconscience est le porteur : elle peut être partout à la fois, mais se situe quelque part car, c'est dans sa nature de s'opposer. Elle le fait face au démarreur, cette partie de nous consciente et volontaire, qui peut interférer les ondes du porteur dans un axe réfléchi ou non.

A eux deux, ces atomes créent un espace dans la zone qui les oppose : et là, naît le Moi.


Mais faut-il s'arrêter là ?

Bof.

Hein ?

Ma base de données, elle, je l'agence comme je le souhaite : je peux modifier les couleurs du fond en modifiant l'agencement de la forme ; je peux faire d'un magazine extrémiste une bédé pour enfants en recopiant des images dans des cas, et en insérant le texte dans des bulles.

Je peux faire d'un Journal, quel qu'il soit, une matrice aux buts et aux exposés déterminés, et prévisibles. Je peux me ruiner et ruiner l'autre en passant mon temps à tenter de modifier réellement le fond, alors qu'il n'est pas altérable, mais seulement contrôlable, grâce à la force de ma volonté consciente. Yin et Yang, comme disaient les uns, Trinité comme diraient d'autres, qui font l'erreur de lier l'Autre à la possibilité du Bonheur.

Celui-ci est intérieur ; car dès lors où le Moi peut s'exprimer, en ayant pleinement conscience que tout est à sa portée, il peut ici trouver l'Autre et s'émanciper. Certains diront le contraire, et alors la conscience de soi comme source de l'existence humaine sera faussée ; il faudra parler de conscience de l'autre. Mais l'on dira peut-être que ces "certains" se trompent.

Car c'est bien l'Autre qui nous donne gènes et idées. Mais nous avons la présence d'esprit, le discernement, la possibilité de voir clair. Il faut pour cela trouver l'agencement parfait, celui qui ouvre l'esprit au maximum, qui entend s'identifier à tous mais mettre en avant sa singularité par de réels aspects. On appelle cela l'introspection, moi je dirais plutôt "aqua-mots".

Car parfois, l'Autre est aussi un soutien précieux, celui là même qui nous ouvre les yeux, par sa différence de cheminement. En réalité, c'est lui qui éclaire notre point de vue, nous permet d'ouvrir réellement et plus intensément les yeux.

Alors, on comprend que l'équilibre intérieur est un fait, mais que l'équilibre extérieur prévaut.

Que tout ici n'a de sens que si l'on ne se permet de ne donner de sens à rien.

Rien ne nous appartient ; nous sommes des pilleurs, et pour cela nous devons être humbles. La technologie est le fruit de nos aïeux, comme la matière spirituelle ; mais tout résulte d'un tout naturel, matériel, qui nous a engendré, et bla bla bla, etc.

Pour autant, il y a le soleil, les rêves, la joie, l'humeur, les voyages et le vrombissement des moteurs ; la folie et la peur, grisée par l'envie et le bonheur, le besoin et la tristesse, engendrés par nous, eux, et toi, et moi, juste emballés par ce mouvement qui nous donne Vie.

C'est une grande déclaration d'amour que de ne rien avoir.

C'est tout recevoir, tout manipuler. C'est changer, constamment, d'ornements et d'équipement.

C'est accepter les ballets des jours, assortis, beaux dans leur unité et magnifiques dans leur totalité.

Oui, oui. Vous direz non, et vous le penserez au plus profond de vous.

Pensez encore.

Oui, parce qu'à bien y réfléchir, où allons-nous ? "Nous partons tous en dérapage", non ? Que nous restera-t-il, une fois morts ?

Ah, oui, sujet bateau, encore une fois, lyrisme, poésie, grandes envolées wagnériennationnelles ; mon cul sent le poulet et j'adore ça !

Quoi, il est trop dur d'accepter que nous ne soyons rien ? C'est là la plus grande délivrance du monde... c'est là le bonheur, non ?

Rien n'est moi, alors moi, je peux être ce que je veux.

Tout le monde fait ce choix, et c'est ça qui est encore plus libérateur. Dès lors, nous ne sommes plus "nous" : nous jouons, constamment aux commandes d'un personnage, face à nous-mêmes comme avec les Autres ; parfois, nous nous voyons mieux qu'eux, parfois non.

Bla bla bla... libérateur, pourquoi ? Parce que nous jouons, du coup.

Nous jouons un jeu, aux règles établies dans l'inconscient (exister, se reproduire ; survivre) et le conscient (un feu rouge, en France, signifie qu'on s'arrête, bordel de merde de feu rouge !). Quoi de plus drôle ?

Rien, à part le fait de se donner à fond dans le jeu, en considérant, tout d'abord, ses objectifs : qu'est-ce que je veux. Ensuite, en considérant la capacité du démarreur à s'adapter à cet volonté : à décider.

Si j'en suis capable, j'enclenche la lumière et je refroidis mes atomes, j'expulse le Moi, et là, je suis.

Il y a ici tellement de choses que je n'ai plus vues, pendant un temps.

Tellement qu'il me reste encore à découvrir.

Tellement de perdues, tellement d'échangées ; tellement de données et de prises.

Tellement de souvenirs, tellement d'espoirs, tellement de peurs.

Moi, si je suis, c'est que la quête de ma Vie a un sens. Il passe par vous, il passe par eux, et pour ça je vous aime.

Je veux vous comprendre et je le ferai, tant que j'en aurai les capacités.

Ca vous semble con, hein, de parler de ça.

Je sais.

Désolé.

Mais...

Pourtant...

... vous aussi, vous en avez envie ?