jeudi 2 avril 2009

"Je donne mon avis non comme bon mais comme mien" #1

Faut-il croire en l'Homme ? C'est bête de commencer une réflexion par une question aussi vaste, d'autant plus que la philosophie de comptoir est de nos jours interprétée comme une forme extravertie de masturbation sociale (une des raisons - en plus des penchants gays - de regretter la Grèce Antique et ses penseurs).

On parle "d'évolution de l'Homme" ; je dirai plutôt "aveuglement". A défaut de se pencher sur lui-même et ses tares, l'être humain a toujours tenté de comprendre ce qui l'entourait. D'où la parole, l'écriture, le classement infini et les magazines de mode. D'où l'astrologie, les mathématiques, la littérature et la philosophie - de comptoir, ou non. Alors ouais, je vous apprends rien et cette façon de vous prendre de haut vous écoeure ; vous m'en excuserez, mais si je ne parlais que de moi, vous me diriez égoïste. Faut choisir, hein.

Au fil de notre "évolution", notre seule volonté aura été de construire, d'apprivoiser, d'accroître un pouvoir et un luxe au final bien désuets. Le confort dont nous bénéficions aujourd'hui est franchement sympa, mais fait de nous des assistés. Pas d'eau chaude, pas de supermarchés ; tiens, comment on fait pousser des fleurs ? D'aucuns vous diront que c'est cette technique et ce savoir-faire qui nous distingue de l'animal. Je le vois plutôt comme une façon de se détourner du principal problème.

Je suivrai Montaigne et Pascal - histoire d'étaler un peu de confiture... euh, de culture - en pensant que l'Homme n'a des passions que pour se détourner de sa misère, tout comme l'Homme croit en Dieu pour "s'expliquer". C'est bien marrant de rire de l'animal, ignorant et sincère, suivant ses instincts et s'ignorant... mais nous n'en sommes séparés que par peu de choses : l'égoïsme, la fierté et la mémoire.

La mémoire (savoir) dans le sens où nous la structurons, nous permet d'atteindre un niveau de performances plus important... mais, à l'inverse, elle ne prend sa valeur que dans un type de société. Envoyez un petit français premier de classe au Cambodge, il aura beau savoir calculer une exponentielle, il se fera bouffer de toute manière. La mémoire (souvenirs), si on admet que le temps existe, nourrit l'Homme et lui fait prendre conscience de son "évolution". A l'inverse, elle n'est faite et n'est perçue que par nous. L'importance qu'on y accorde est immense, mais elle n'apprend qu'à vivre en société. Dans une optique universelle, le souvenir conscient n'est qu'humain. Il nous permet d'accepter notre condition et de nous forger une expérience proprement sociale.

La fierté a deux sources : l'une est animale, et s'explique par des principes de survie ; on pourra parler de "chef de meute", si vous le voulez bien. Et si vous le voulez pas, prout. Mais la fierté dans un cadre humain est liée à une volonté d'ascension, de pouvoir, de distinction. La fierté explique la mode, la politique, ou encore la foi en Dieu. C'est encore une fois l'autre qui pousse à briller, parce qu'il fait naître la comparaison, et le questionnement : "suis-je meilleur ?", etc. Nous sommes qui plus est motivés par notre soif de confort et une volonté quasi-inconsciente de s'arracher à toutes les contraintes matérielles. D'où la fierté pour le pouvoir, et le pouvoir par l'argent. Le troc n'est né que du désir de l'Homme de viser plus haut que son contemporain. D'être meilleur, ou du moins "plus fort". S'écraser ou perdre, c'est admettre inconsciemment une faiblesse, c'est reconnaître une domination. Ces rapports de force et de domination existent partout et sont intemporels. Chacun domine et est dominé, et c'est cette équilibre qui fait de nous des êtres perpétuellement tiraillés entre "ce que je dois faire" et "ce que je veux faire". Nous travaillons pour survivre, mais surtout pour doubler ce qui restent sur le côté.
C'est vrai qu'à l'heure d'aujourd'hui, l'argent fait une partie du bonheur. Il est vrai aussi qu'une société sans argent ne ferait pas long feu.

Tout simplement parce que l'Homme est égoïste. Avoir "conscience de soi" implique "soi" ; l'Homme sait qu'il existe, et c'est dans une vie en société que cette perception devient une forme d'égoïsme. Chacun voit et ressent, et traduit ce rapport personnel avec le monde par un repli certain sur lui-même. Il n'y a personne sur terre qui peut se dire "généreux". Les milliardaires offrent des sommes colossales à des associations - sans se ruiner - pour des raisons économiques, d'image ou de satisfaction personnelle. Les célébrités s'affichent dans des shows style "Les Enfoirés" pour redorer leur blason ou leur satisfaction personnelle. Les religieux s'offrent pour que Dieu les garde. La vraie générosité serait de donner sans satisfaction, à contre-coeur, car cette forme de don n'apporte rien ; ce serait perdre son portable et penser "au moins il servira à quelqu'un".

A l'heure actuelle, je ne connais personne qui ait réussi à s'échapper de sa condition humaine. La vie en société fait de nous des êtres aveugles, où le divertissement et la création nous permettent d'accepter la fatalité. Nous ne sommes ici pour aucune raison, personne ne nous a créé, et tout ce que nous avons construit repose sur des bases bancales. Les mathématiques, par exemple, trouvent une certaine logique dans la Nature et sont une clé de nôtre compréhension de l'univers. Tout irait bien s'il n'y avait pas le "nôtre". Les mathématiques ne sont qu'humaines, tout comme la littérature, la philosophie ou encore les magazines de mode.

Vous vous dites sûrement que ce texte au ton apocalyptique va finir sur une incitation au suicide ; vous vous trompez bien, parce que c'est au moment de la conclusion que je suis censé vous clouer le bec. Mais mon pote Montaigne va s'en charger pour moi. Vas-y, gros.

"Si la vie n'est qu'un passage, sur ce passage au moins semons des fleurs"

Yeaaaah, quel beau gosse ce Montaigne ! Allez, bisous les cocos !

Paul (ou le don de finir un article pas du tout comme ça avait commencé)

PS : le dessin de l'article est de Trondheim ; "Les Formidables Aventures de Lapinot", une bédé que c'est bien de la lire !

2 commentaires:

Kyky a dit…

Sur Facebook, j'aurais cliqué sur "j'aime".

Autant c'est de la philosophie de comptoir, autant tu le fais bien, et tu comptes à merveille.

Au passage les cambodgiens ne sont pas cannibales. Un premier de classe ne risque donc pas de se faire bouffer en allant là-bas. (Au passage, les cannibales n'existent plus, j'ai mangé le dernier hier).

Quant à ta différenciation de l'homme d'avec l'animal, on peut en discuter longtemps. Mon avis qu'omettre toute la vie sociale/politique (au sens de nos amis les grecs qui décidément sont géniaux), c'est peut-être, voire sûrement, passer à côté de tout l'intérêt d'être humain. Pour être trivial, les animaux forniquent, les hommes peuvent s'aimer et faire l'amour.(Enfin bref, si c'est pour raconter des conneries comme ça, je ferais mieux de seulement lire tes articles.)

Et je trouve ta fin grandiose, tout simplement.

Anonyme a dit…

Et moi, c'est toi que je trouve grandiose. A défaut de pouvoir débattre ici, on s'empoignera violemment quand je viendrai te voir. Je te aime mon Kyky.