
Lettre I, 12 novembre 2007
Xanadu - Paris
Xanadu - Paris
" J'ai toujours été désorienté par le manque de finesse de certaines personnes.
Il est de bon ton de penser l'Homme comme un objet pensant et non comme une machine, mais les évènements d'une vie peuvent parfois remettre en question certaines vérités considérées comme générales par le commun des mortels.
Je n'ai pas fait long feu dans cette arène. Les gladiateurs qui m'entouraient avaient finis par devenir impitoyables, et leur cruauté fut sans précédent pour moi. Le choc fut si rude que j'en suis mort. Oui, "mort", l'un de ces mots qui vous font trembler ; la faucheuse, dans toute sa violence, qui vous guette et vous tombe sur le coin de la gueule avant même que vous n'ayez pu vous y préparer. J'ai au moins eu de la chance dans mon malheur, parce que j'en avais été informé, moi, de la date de ma mort. Je connaissais le lieu, les circonstances, et la peine que ma disparition allait causer à autrui.
Il serait de bon ton de me présenter. Ni physiquement, ni socialement. Le feu des rapports humains que j'ai entretenu s'est éteint depuis bien longtemps. Il ne me reste que la vague lueur des cendres à observer. Là où je vis, le feu n'a pas sa place. Mes terres sont désolées ; du moins pour vous. Seuls l'air glacé et la sécheresse osent s'aventurer au-delà des frontières qui nous séparent, vous et moi. Je ne suis pas malheureux, bien au contraire. J'ai changé d'opinion sur les notions de Bien et de Mal, par exemple. J'ai découvert que, non loin de chez moi, existait une tribu où l'enfant aîné de la famille était rendu aveugle dès sa naissance. Les orbites inopérants, libéré du pouvoir de l'image, le gamin aiguisait ses autres sens lors des enseignements qu'il reçevait de "sages" ; en réalité, ces mêmes sages n'étaient que la précédente génération d'orbites défectueuses. Quant aux autres enfants, ils étaient destinés, dès leur plus jeune âge, à une carrière qui leur correspondrait. Des tests étaient réalisés d'après un panel de données incroyablement large, portant notamment sur la grossesse du foetus, les signes physiques et caractériels du nouveau-né, ou encore sur l'alimentation et les capacités motrices. Certains gamins bronchaient bien, au début, mais ils finissaient presque tous par briller dans le domaine qui leur avait été imposé. Les autres subissaient de nouveaux tests, encore plus poussés, et travaillaient à des postes vides le temps de leur nouvelle "nomination".
J'ai longtemps vu ces pratiques comme une forme claire d'aliènement, puis j'ai fini par me rendre compte que la bêtise de l'Homme communautaire pouvait difficilement être atténuée d'une autre manière. C'est d'ailleurs pour cela que je vis seul.
Toujours est-il que mon déménagement a été le fruit de longues réflexions. J'ai pris la décision de quitter ce monde parce que j'ai su qu'il y avait autre chose ailleurs. Je ne vous parle pas d'un "Paradis", ni d'un pays du soleil. Je n'évoque pas non plus ces longs récits desquels ont jailli les idées de "paradis artificiel" ou de coma développant les rêves. Non, mon histoire rend vraisemblable et légitime l'idée d'un autre Univers. Un autre pays, une autre "Terre", un autre.
Cet Univers n'est pas né de mes rêves ou de désirs inconscients.
Il existe réellement, et je vous invite à le toucher du doigt.
Du moins, si vous y parvenez."
Il est de bon ton de penser l'Homme comme un objet pensant et non comme une machine, mais les évènements d'une vie peuvent parfois remettre en question certaines vérités considérées comme générales par le commun des mortels.
Je n'ai pas fait long feu dans cette arène. Les gladiateurs qui m'entouraient avaient finis par devenir impitoyables, et leur cruauté fut sans précédent pour moi. Le choc fut si rude que j'en suis mort. Oui, "mort", l'un de ces mots qui vous font trembler ; la faucheuse, dans toute sa violence, qui vous guette et vous tombe sur le coin de la gueule avant même que vous n'ayez pu vous y préparer. J'ai au moins eu de la chance dans mon malheur, parce que j'en avais été informé, moi, de la date de ma mort. Je connaissais le lieu, les circonstances, et la peine que ma disparition allait causer à autrui.
Il serait de bon ton de me présenter. Ni physiquement, ni socialement. Le feu des rapports humains que j'ai entretenu s'est éteint depuis bien longtemps. Il ne me reste que la vague lueur des cendres à observer. Là où je vis, le feu n'a pas sa place. Mes terres sont désolées ; du moins pour vous. Seuls l'air glacé et la sécheresse osent s'aventurer au-delà des frontières qui nous séparent, vous et moi. Je ne suis pas malheureux, bien au contraire. J'ai changé d'opinion sur les notions de Bien et de Mal, par exemple. J'ai découvert que, non loin de chez moi, existait une tribu où l'enfant aîné de la famille était rendu aveugle dès sa naissance. Les orbites inopérants, libéré du pouvoir de l'image, le gamin aiguisait ses autres sens lors des enseignements qu'il reçevait de "sages" ; en réalité, ces mêmes sages n'étaient que la précédente génération d'orbites défectueuses. Quant aux autres enfants, ils étaient destinés, dès leur plus jeune âge, à une carrière qui leur correspondrait. Des tests étaient réalisés d'après un panel de données incroyablement large, portant notamment sur la grossesse du foetus, les signes physiques et caractériels du nouveau-né, ou encore sur l'alimentation et les capacités motrices. Certains gamins bronchaient bien, au début, mais ils finissaient presque tous par briller dans le domaine qui leur avait été imposé. Les autres subissaient de nouveaux tests, encore plus poussés, et travaillaient à des postes vides le temps de leur nouvelle "nomination".
J'ai longtemps vu ces pratiques comme une forme claire d'aliènement, puis j'ai fini par me rendre compte que la bêtise de l'Homme communautaire pouvait difficilement être atténuée d'une autre manière. C'est d'ailleurs pour cela que je vis seul.
Toujours est-il que mon déménagement a été le fruit de longues réflexions. J'ai pris la décision de quitter ce monde parce que j'ai su qu'il y avait autre chose ailleurs. Je ne vous parle pas d'un "Paradis", ni d'un pays du soleil. Je n'évoque pas non plus ces longs récits desquels ont jailli les idées de "paradis artificiel" ou de coma développant les rêves. Non, mon histoire rend vraisemblable et légitime l'idée d'un autre Univers. Un autre pays, une autre "Terre", un autre.
Cet Univers n'est pas né de mes rêves ou de désirs inconscients.
Il existe réellement, et je vous invite à le toucher du doigt.
Du moins, si vous y parvenez."
Jérome Khan
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire