mercredi 16 novembre 2011

A quoi bon un aqua-mots ?

J'ai eu pendant de longs moments l'occasion de pratiquer la philosophie de voiture, d'un parce qu'on avait pas de comptoir ; deux parce qu'il y a des gens qui pratiquent, aujourd'hui, l'idée d'une pensée totalement ouverte.

Dans d'autres circonstances, plus récemment, nous est venue une pensée originale : et si, à l'instar d'une conception de la vie basée sur le temps et la spécialisation de chaque chose, nous envisagions chacune de ces chose comme "un" ; avoir déjà conduit "une" voiture ; avoir déjà mangé "une" pomme.

Je me suis demandé longtemps pourquoi, à un âge qui change selon chacun, l'on finissait par ne plus se voir vraiment ; par disparaître à ses propres yeux, et sembler s'éteindre aux yeux des autres. Et puis j'ai compris : je m'étais fait avoir.

L'illusion est un vice, dans le sens où, si elle n'est pas contrôlée, elle peut conduire à l'auto-destruction de l'esprit, puis du corps. Souhaiter manger des fraises ne doit être qu'une envie passagère ; avoir besoin, spirituellement, de quelque chose en est une autre, car la pensée envisage tout possible comme atteignable.

Or, si je n'ai pas de fraises, je n'en mange pas, point barre.

Alors, pourvu que le monde des idées de Platon ne soit pas un foutoir total ; pourvu qu'il s'agence à l'image des lois physiques et naturelles ; qu'il soit froid dans sa vision, chaud dans le regard. Pourvu que le mensonge ne nous dévore pas, car c'est lui qui nous détruit.

Voilà beaucoup de beaux mots, qu'on dira. Ouaip, c'est vrai que là je talonne à coups de belles phrases.

M'enfin, en disant "m'enfin", j'obtiens ce savoir, ce trait physique, mais aussi abstrait, dans son message sous-entendu - ou tout simplement par la façon de parler qui me classe dans un groupe. M'enfin, en considérant le monde comme un jeu de cartes, une base mémorielle, je regroupe tout le savoir, ce grand Tout, celui qu'on appelle Dieu ; je regroupe tout ça en moi.

Tout est accessible au corps, pourvu qu'il considère justement ses limites ; nous ne pouvons pas encore voler, mais nous pouvons nous employer à le vouloir, pour transmettre inconsciemment et involontairement cette envie à nos enfants. De la même, la pensée peut se construire dans un cadre de possibilités, et s'adonner à chaque "trait d'esprit", "savoir", "illusion" comme elle chercherait à collectionner les cartes de ce jeu.

Ainsi, chaque ensemble qui fait "un" doit être considéré comme emprunté : je l'emprunte parce que je ne l'avais pas à la base ; non, je ne suis pas fumeur : j'emprunte le style d'un fumeur, je me déguise, parce que mon moi intrinsèque ne possédait rien. Mon corps, ma pensée, mes actes, sont autant d'artefacts qui faussent mon jugement, à partir du moment où je les considère acquis. C'est là que Descartes a tort une nouvelle fois, car penser ne me fais pas être ; penser est un procédé emprunté. Être l'est aussi. J'emprunte, donc je suis est une vérité.

Mon collègue de glisser alors la règle qui régit le bonheur, comme ça ; simplement.

Si j'ai un jeu qui contient toutes les cartes, pourquoi n'est-il pas possible d'être un éléphant ou une tortue ? Si j'ai un jeu qui contient toutes les cartes, pourquoi n'est-il pas possible d'être un génie ?

Eh ben, parce que l'assemblage est différent pour chacun. En remontant au point originel, je reviens à ce qui nous lie ; avant même ma naissance, certains assemblages furent privilégiés, et mes gènes uniques me firent, comme vous, comme eux, mais toujours avec une part de déterminé, paradoxalement, pour nous, indéterminé. On ne choisit pas ses parents, on ne choisit pas sa famille, comme chantait un type connu que je connais pas : je fais avec ce que j'ai, mais je fais aussi avec ce que je n'ai pas (choisi) : le corps que je veux, les capacités que je veux, etc.

Il y a deux ans, trois chercheurs ont inventé, dans une logique quantique, un moteur fonctionnant avec seulement deux atomes exposés à la lumière. Rendus extrêmement froids, l'un, chargé en électricité, crée une onde, en se positionnant possiblement à n'importe quel endroit dans le cercle qui le relie à son opposé, qui contrebalance cet effet. L'un est porteur, l'autre est démarreur.

Et si ce que je ne choisis pas, ma part d'inconscience, d'inné, ce que j'ai involontairement emprunté à mes parents, comme ils le firent avant moi ; si je n'ai pas le choix, alors c'est qu'il y a, en moi, des principes automatiques qui me guident. Simplement, la respiration. Plus loin, une certaine philosophie de vie, axée sur des règles intériorisées - donc décryptables.

Cette part d'inconscience est le porteur : elle peut être partout à la fois, mais se situe quelque part car, c'est dans sa nature de s'opposer. Elle le fait face au démarreur, cette partie de nous consciente et volontaire, qui peut interférer les ondes du porteur dans un axe réfléchi ou non.

A eux deux, ces atomes créent un espace dans la zone qui les oppose : et là, naît le Moi.


Mais faut-il s'arrêter là ?

Bof.

Hein ?

Ma base de données, elle, je l'agence comme je le souhaite : je peux modifier les couleurs du fond en modifiant l'agencement de la forme ; je peux faire d'un magazine extrémiste une bédé pour enfants en recopiant des images dans des cas, et en insérant le texte dans des bulles.

Je peux faire d'un Journal, quel qu'il soit, une matrice aux buts et aux exposés déterminés, et prévisibles. Je peux me ruiner et ruiner l'autre en passant mon temps à tenter de modifier réellement le fond, alors qu'il n'est pas altérable, mais seulement contrôlable, grâce à la force de ma volonté consciente. Yin et Yang, comme disaient les uns, Trinité comme diraient d'autres, qui font l'erreur de lier l'Autre à la possibilité du Bonheur.

Celui-ci est intérieur ; car dès lors où le Moi peut s'exprimer, en ayant pleinement conscience que tout est à sa portée, il peut ici trouver l'Autre et s'émanciper. Certains diront le contraire, et alors la conscience de soi comme source de l'existence humaine sera faussée ; il faudra parler de conscience de l'autre. Mais l'on dira peut-être que ces "certains" se trompent.

Car c'est bien l'Autre qui nous donne gènes et idées. Mais nous avons la présence d'esprit, le discernement, la possibilité de voir clair. Il faut pour cela trouver l'agencement parfait, celui qui ouvre l'esprit au maximum, qui entend s'identifier à tous mais mettre en avant sa singularité par de réels aspects. On appelle cela l'introspection, moi je dirais plutôt "aqua-mots".

Car parfois, l'Autre est aussi un soutien précieux, celui là même qui nous ouvre les yeux, par sa différence de cheminement. En réalité, c'est lui qui éclaire notre point de vue, nous permet d'ouvrir réellement et plus intensément les yeux.

Alors, on comprend que l'équilibre intérieur est un fait, mais que l'équilibre extérieur prévaut.

Que tout ici n'a de sens que si l'on ne se permet de ne donner de sens à rien.

Rien ne nous appartient ; nous sommes des pilleurs, et pour cela nous devons être humbles. La technologie est le fruit de nos aïeux, comme la matière spirituelle ; mais tout résulte d'un tout naturel, matériel, qui nous a engendré, et bla bla bla, etc.

Pour autant, il y a le soleil, les rêves, la joie, l'humeur, les voyages et le vrombissement des moteurs ; la folie et la peur, grisée par l'envie et le bonheur, le besoin et la tristesse, engendrés par nous, eux, et toi, et moi, juste emballés par ce mouvement qui nous donne Vie.

C'est une grande déclaration d'amour que de ne rien avoir.

C'est tout recevoir, tout manipuler. C'est changer, constamment, d'ornements et d'équipement.

C'est accepter les ballets des jours, assortis, beaux dans leur unité et magnifiques dans leur totalité.

Oui, oui. Vous direz non, et vous le penserez au plus profond de vous.

Pensez encore.

Oui, parce qu'à bien y réfléchir, où allons-nous ? "Nous partons tous en dérapage", non ? Que nous restera-t-il, une fois morts ?

Ah, oui, sujet bateau, encore une fois, lyrisme, poésie, grandes envolées wagnériennationnelles ; mon cul sent le poulet et j'adore ça !

Quoi, il est trop dur d'accepter que nous ne soyons rien ? C'est là la plus grande délivrance du monde... c'est là le bonheur, non ?

Rien n'est moi, alors moi, je peux être ce que je veux.

Tout le monde fait ce choix, et c'est ça qui est encore plus libérateur. Dès lors, nous ne sommes plus "nous" : nous jouons, constamment aux commandes d'un personnage, face à nous-mêmes comme avec les Autres ; parfois, nous nous voyons mieux qu'eux, parfois non.

Bla bla bla... libérateur, pourquoi ? Parce que nous jouons, du coup.

Nous jouons un jeu, aux règles établies dans l'inconscient (exister, se reproduire ; survivre) et le conscient (un feu rouge, en France, signifie qu'on s'arrête, bordel de merde de feu rouge !). Quoi de plus drôle ?

Rien, à part le fait de se donner à fond dans le jeu, en considérant, tout d'abord, ses objectifs : qu'est-ce que je veux. Ensuite, en considérant la capacité du démarreur à s'adapter à cet volonté : à décider.

Si j'en suis capable, j'enclenche la lumière et je refroidis mes atomes, j'expulse le Moi, et là, je suis.

Il y a ici tellement de choses que je n'ai plus vues, pendant un temps.

Tellement qu'il me reste encore à découvrir.

Tellement de perdues, tellement d'échangées ; tellement de données et de prises.

Tellement de souvenirs, tellement d'espoirs, tellement de peurs.

Moi, si je suis, c'est que la quête de ma Vie a un sens. Il passe par vous, il passe par eux, et pour ça je vous aime.

Je veux vous comprendre et je le ferai, tant que j'en aurai les capacités.

Ca vous semble con, hein, de parler de ça.

Je sais.

Désolé.

Mais...

Pourtant...

... vous aussi, vous en avez envie ?


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